Le gros mammouth

L’éducation nationale française ? Voilà un vaste sujet, gros comme un mammouth dans un couloir : il bloque tout le reste. Il est l’expression la plus révélatrice de l’état d’esprit des Français : individuellement ils veulent tous que cela change ; collectivement, personne ne veut rien changer !

 

Piètres résultats !

Ces dix dernières années, le budget de l’éducation nationale a cru de 23 % alors que les effectifs d’élèves ont baissé de 55 000 (-4,5 %). Pour quel résultat ? Moins d’un tiers des écoliers et un quart des collégiens maîtrisent les enseignements de base. Sortons enfin de notre esprit le mythe que notre enseignement est le meilleur du monde : les performances d’un Français de 15 ans sont péniblement dans la moyenne des pays de l’OCDE. Il en résulte que les parents se tournent de plus en plus vers le privé : « le public a perdu près de 100 000 élèves en cinq ans alors que le privé est globalement parvenu à maintenir ses effectifs. Certaines académies, comme celles de la région parisienne, enregistrent même des hausses. L’écart serait plus important encore si le privé n’était pas obligé de refuser du monde : 30 000 demandes d’inscriptions n’ont pu être honorées cette année, 23 000 l’an dernier» (Sophie Roquelle (Le Figaro du 20 septembre 2006).

 

Prof à l’école prof dans la vie

Trop de profs considèrent qu’ils détiennent a priori, par leur fonction, la vérité. Avez-vous déjà entendu parler certains d’entre eux en dehors de leurs heures de travail ? Si on les observe bien, on s’aperçoit qu’ils continuent à être en salle de classe : ils parlent, sans écouter les autres – pas même leurs plus proches amis –, ils répandent leurs paroles. C’est assez pénible si on ne les regarde pas comme des pantins. Ces profs se raccrochent à leur vérité, celle qu’ils professent tous les jours. Ils s’écoutent parler comme ces femmes qui se regardent faire l’amour : agaçantes, elles ne se donnent pas vraiment et donc n’apportent aucun plaisir. C’est un one man show, il n’y a pas d’échange. C’est ce qu’on appelle une déformation professionnelle. Reconnaissons que tous ne sont pas ainsi heureusement !

 

De l’emploi à vie

Nos instituteurs, professeurs… sont tranquilles : sauf faute gravissime (comme un acte pédophile, et encore, pour punition on les envoie vers une autre école !) ils garderont leur métier jusqu’à la retraite. Ils ont cette fabuleuse faculté d’être hors du quotidien changeant, hors du temps. Ils sont divins. Aucune obligation de se remettre en question (Dieu se pose-t-il des questions ?) Ils avancent par l’ancienneté et l’inspection est rarissime. Ils flottent au-dessus de leurs compatriotes, très haut dans le ciel, porté par les ailes de l’emploi à vie, voie royale (que dis-je divine) vers l’enfermement intellectuel. L’autre effet pervers est le nombrilisme : sans aucune connaissance du privé, beaucoup pensent que leur travail est particulièrement pénible, sans équivalent dans la population active !

Mais à quoi bon continuer ? Je sais bien que je prêche dans le vide. Tous les profs ont la sympathie des Français. Ils sont intouchables. Et nos enfants, qu’en pensent-ils ? On ne leur demande pas leur avis. Simplement, vers vingt ans, ils comprendront les carences et faiblesses du système éducatif français. Bien sûr, pour eux, il sera trop tard.

Pour dynamiser chaque enseignant – et conséquemment l’éducation nationale –, la plus importante des mesures à prendre est de supprimer immédiatement l’emploi à vie dans cette administration (dans les autres également, j’en parlerai plus loin). Que tous les enseignants qui ne sont pas d’accord, qui oseraient même verser une petite larme sur cet ancien privilège, sortent illico des rangs, libèrent nos écoles et aillent cultiver des salades plutôt que d’en raconter à nos enfants !

 

Extrait du livre « Français, réveillez-vous! »  que vous pouvez vous procurer chez votre libraire habituel et sur

      

 

Jeunes: rejetez les esprits négatifs qui vous entourent!

Jeunes, ne vous trompez pas de cible : vos ennemis sont les syndicats réactionnaires. S’ils avaient le courage de s’adapter, les entreprises se remettraient à embaucher. Ces dernières doivent s’adapter tous les jours : environnements concurrentiel, législatif, fiscal, social… C’est pour elles une question de survie. Si elles ne s’adaptent pas, ces personnes morales – mais personne tout de même – meurent. C’est aussi simple que cela. Si notre chasseur préhistorique ne sait plus chasser, il meurt. C’est exactement la même chose. La confrontation quotidienne à la dure réalité vivifie les entreprises, les rend naturellement positive. Pour survivre, elles n’ont pas d’autre choix que la positivité. Mais les syndicats réactionnaires sont malsains, carnégatifs ; même s’ils ne s’adaptent pas, ils peuvent continuer à vivre grâce aux subventions, aux cotisations… Pire, ils gênent les autres dans leur survie ! Pire encore : on les remercie de nous plaindre ! Bravo ! Vous vénérez la maladie, vous vénérez la mort qui s’approche ! Alors, je vous le demande : cessez de défiler avec eux ! Quel couple nihiliste par excellence que le cocktail jeunesse-syndicalisme ! Et on veut nous faire croire qu’ils ont les mêmes objectifs ! Nous avons tous bien conscience, comme disait Jean Cocteau, que « la jeunesse sait ce qu’elle ne veut pas avant de savoir ce qu’elle veut », mais enfin, tout de même, ouvrez les yeux jeunes de France : le syndicalisme archaïque tue la jeunesse ! Voilà votre pire ennemi ! Savez-vous pourquoi ? Parce qu’il a construit ses combats, et conséquemment son identité, son idéologie, sur un Ancien Monde qui n’est plus, qui ne correspond absolument plus au monde dans lequel vous vivez. Les XIXe et XXe siècles vous étouffent. L’air malsain des hauts fourneaux et des puits à charbon flotte autour de vous ; gris, il vous empêche de voir le ciel, l’avenir. Cesser de vous tromper de cible : ne vomissez pas sur les politiques qui tentent de libérer les esprits, sur les entreprises qui veulent se développer, mais plutôt sur les syndicats qui laissent le passé tuer le présent, et donc votre avenir.

Extrait du livre « Français, réveillez-vous! »  que vous pouvez vous procurer chez votre libraire habituel et sur

      

 

Le vendeur de vélo (chez Leclerc)

Le 31 octobre 2006, je me suis rendu à Hossegor chez mon cousin ; en faisant mes courses au Leclerc de Cap-Breton, je vis un vélo et envisageai de l’acheter pour ma fille. Ce modèle d’exposition était le dernier vélo disponible dans cette catégorie, et malheureusement la selle était abîmée. J’appelle un vendeur et lui demande s’il peut changer cette selle en mousse. Il se renseigne, mais il n’y a en stock que des selles en plastique, que je refuse en pensant aux fesses fragiles de ma progéniture. Je lui demande s’il peut m’accorder une remise. Il refuse. Alors, je lui dis « il me parait normal qu’un produit endommagé soit moins cher qu’un produit en bon état » ; il commence à s’énerver (je ne sais toujours pas pourquoi d’ailleurs) et me répond « on ne change pas le prix ; c’est comme ça et pas autrement ». Le trouvant impoli, je lui dis « au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, je suis un client qui essaie d’acheter un de vos produits au juste prix, mais il semble que vous vous moquiez complètement que j’achète ou pas ce vélo ». Alors, il me lance royalement avec un sourire qui en dit long sur son état d’esprit « de toute façon ça ne rentre pas dans mes poches ! » Il est employé certes, mais ne comprend pas que son salaire n’est possible que si son employeur fait des affaires. Il est totalement déconnecté de la relation vente/profit (et donc salaire) alors qu’il est vendeur lui-même. Imaginons que je me sois rendu dans sonmagasin, dont il aurait été propriétaire : il aurait trouvé pour moi une solution, car naturellement, une vente aurait signifié pour lui profit (et il aurait été de plus assez content de se débarrasser d’un produit endommagé). Mais ce n’est pas le cas. Je m’en vais donc et il garde son vélo ; le lendemain, j’en achète un autre ailleurs… Ce n’était qu’un exemple de la contamination de l’esprit du fonctionnaire sur le privé, sur tout un peuple, le peuple de France.

 

Extrait du livre « Français, réveillez-vous! »  que vous pouvez vous procurer chez votre libraire habituel et sur

      

 

Idéal libertaire

Les Français souffrent d’une récurrente utopie d’une société libertaire : Révolution de 1789, mai 68, récentes manifestations monstres… Ils croient profondément qu’on ne les comprend pas alors que tout simplement, ce sont eux qui ne voient plus rien, ils sont bercés d’utopie, d’idéalisme.

Ne voyez-vous pas que les prétendues révolutions desquelles vous êtes si fiers n’ont été que des feux de paille ? 1789, un bel élan de liberté ? Laissez-moi rire ! Les illusions qui ont engendré notre « Grande » Révolution se sont dissoutes aussi vite qu’elles sont arrivées : en quelques mois était instaurée la terreur et rapidement nous avons adoré un Empereur (un Roi ne nous suffisait plus) ! Mai 68 ? Laissez-moi rire encore ! Tous ces idéalistes qui n’ont su que fulminer dans la rue en rêvant d’une société libertaire illusoire et impraticable ont vite rentré la queue et demandé au pouvoir de reprendre les rênes ! Pompidou avait vu juste en défendant l’idée qu’il fallait laisser les illusions de 68 s’effondrer d’elles-mêmes ; c’est bien ce qui s’est passé. Il est possible à n’importe quel imbécile de défendre un monde idéal, mais lorsqu’il se rend compte que son rêve est impraticable dans la réalité, il se réfugie vite derrière les réalistes, les pragmatiques ; ces derniers leur jettent cependant quelques miettes pour faire croire à ces rêveurs que leur honneur est sauf. Je me marre !

La démocratie est vulnérable : seule la modération lui permettra de durer. Pour être modéré, il faut être libéré de ses tensions. Chaque citoyen doit avoir la possibilité de se libérer. Voilà le sujet fondamental de réflexion pour tout homme politique digne de ce nom : comment chaque citoyen pourrait-il tous les jours libérer politiquement ses tensions, plutôt que de les enfermer dans l’illusion d’une société libertaire (jusqu’à l’explosion plus ou moins dangereuse pour la stabilité sociale, voire de la démocratie elle-même) ?

Mai 68 a fait croire à tout un pays que le rêve d’une société parfaite était possible. Voilà le fondement même de toute idéologie, la pire des gangrènes de l’humanité. Depuis, ce sont justement les idéologies qui ont contaminé le dialogue politique en France, qui du coup n’en est plus un ; tout se passe comme si les Français regardaient à la télévision un débat politique un peu curieux : les deux candidats, chacun représentant d’un idéal, seraient tenus face à face, attachés sur leur chaise, car tous deux dans un profond sommeil, chacun rêvant à son monde parfait, chacun bien entendu incapable de communiquer avec l’autre…. Mai 68 a endormi tout un pays qui ne fonctionne plus et qui ne sait pas pourquoi. Le corps de la France est malade ; la cure c’est le réveil.

 

Extrait du livre « Français, réveillez-vous! »  que vous pouvez vous procurer chez votre libraire habituel et sur

      

 

Le discours fictif de Bernard Thibaut (CGT)

Voici le seul discours syndicaliste qui entrera dans l’Histoire !

« Mes amis,

Je vous propose la Renaissance Bleue. Le rouge de notre histoire restera dans nos mémoires, mais ne saurait dorénavant être source de notre action. Le blanc de nos discours, de nos pages vides depuis trop longtemps, va se transformer en la plus belle des couleurs, celle de la mer, profonde et en mouvance permanente, celle du ciel où l’on peut toujours aller plus haut… nos mots seront désormais bleus.

Oui, nous avons vite besoin de notre Renaissance bleue, car nous sommes quasi morts, en état d’attente de notre mort ! Nous traversons une grave crise : le taux de syndicalisation en France est passé de 25 % de la population active au milieu des années 70 à 9 % aujourd’hui ; c’est le taux le plus faible des pays de l’Union européenne. Comment avons-nous pu en arriver là ? Avons-nous eu le courage de nous poser cette simple question ? Eh bien, voici ma réponse : les travailleurs nous ont abandonnés, car tout simplement nous ne répondons plus à leurs attentes. Nous n’avons pas su nous adapter à l’évolution de la structure de l’économie, au déclin des industries traditionnelles, nos bastions historiques. Également, notre comportement corporatiste, nos considérations exclusivement idéologiques, notre approche dénuée de pragmatisme ont lassé le monde des salariés.

Ayons le courage donc de nous remettre en question. Nous devons renaître, dès aujourd’hui !

Avant de définir notre rôle et nos responsabilités avenir, il nous faut oublier quelques idéaux qui endorment nos esprits depuis trop longtemps ; nous renoncerons également à la défense de certains privilèges qui ne sont plus justifiables et que notre pays n’a plus les moyens de s’offrir que par l’emprunt d’État, honteuse, facile et fausse solution qui vide les poches de nos enfants encore en culottes courtes.

Tout d’abord, ayons pleinement conscience que le travail n’est pas un dû, mais undevoir ! En effet, depuis la nuit des temps, les hommes doivent travailler pour survivre, ils n’ont pas le choix. Le travail, la sueur du front, est une condition humaine première, la condition de survie de tous les êtres vivant sur terre. Croire que l’on peut y échapper est totalement illusoire, mais surtout, et c’est là que nous avons pêché, croire qu’il nous est dû est de l’ordre de la naïveté, de la puérilité. Le travail est une obligation, certainement pas un état auquel on peut prétendre !  Il ne tombe pas du ciel (comme envoyé par le Dieu-Etat ou la Déesse-Entreprise), nous n’avons au contraire pas d’autres choix que d’aller le chercher, car il est indispensable à notre survie. Et s’il venait à disparaître, il nous faudrait vite en trouver un nouveau, comme le chasseur doit se fabriquer rapidement une nouvelle lance s’il a perdu l’ancienne, sans s’apitoyer sur son sort ; encore une fois : il n’a pas le choix.

Ensuite, nous devons abandonner l’emploi à vie dans la fonction publique. Ce privilège engendre des esprits et des raisonnements extrêmement malsains, car il crée un décalage avec la réalité de notre condition humaine : rien n’est jamais acquis définitivement, ni la santé, ni les amours, ni le travail… tout peut s’envoler du jour au lendemain. Nous sommes contraints à la remise en question quotidienne. Il n’y a rien de dramatique à cette condition : il suffit de l’accepter ; nous devons même l’aimer, car elle nous pousse à garder les yeux ouverts, à ne jamais nous endormir. Également, ce privilège de l’emploi à vie coupe la France en deux : les sécurisés et les précaires. Cette situation, de plus en plus déstabilisatrice de l’harmonie sociale de notre pays, apparaît d’autant plus au grand jour en période de crise économique. Il ne fait que générer jalousies et frustrations ; pire encore, il n’éveille chez nos jeunes, les porteurs de l’avenir du pays, que des vocations molles, sans risque, de travail minimum… Comment la France peut-elle se relever dans ces conditions ? Le risque, je dirais même la pleine acceptation de la précarité de sa condition personnelle, est la condition première du dynamisme, de la création d’entreprise, donc de la création d’emplois. Ne souhaitons-nous pas que les chômeurs retrouvent du travail ? Eh bien qu’il en soit ainsi : adieu à l’emploi à vie. Et si on nous le propose à nouveau dans quelques années, car la croissance sera revenue, refusons-le, de toutes nos forces ! Qu’il ne vienne plus jamais endormir nos esprits !

Aussi, il convient d’ouvrir un débat courageux sur les retraites. Il n’est de secret pour personne que le vieillissement de la population fera déraper la dette publique si rien n’est fait rapidement. Il est prévu que les plus de 60 ans représenteront en 2050 46 % de la population contre 25 % en 2005. Les comptes de la branche vieillesse se dégradent rapidement avec des pertes de plus en plus abyssales. Alors que l’on devrait repousser l’âge de la retraite, c’est l’inverse qui se produit en raison surtout des départs anticipés. Sans évolution radicale de notre système de retraite, notre dette franchira la barre des 200 % du PIB en 2050 ! Qui doit agir ? Doit-on attendre que l’État prenne des décisions difficiles et irons-nous alors, comme par le passé, descendre dans la rue pour protéger ce système ? Non ! C’est nous, syndicalistes, qui allons engager un vrai débat, faire des propositions, parce que désormais nous serons responsables, nous allons dépasser des intérêts égoïstes de nos vies et allons penser enfin à nos enfants pour ne pas leur laisser comme héritage une dette qui les empêcherait de vivre correctement. Nous allons faire plusieurs propositions et la première d’entre elles sera la suppression immédiate des régimes spéciaux de retraite dont bénéficient les salariés de la SNCF, de la RATP, d’EDF-GDF, de La Poste, de la Banque de France ou encore les parlementaires, parce qu’ils sont une insulte insupportable pour les autres salariés qui travaillent non moins dur ni moins longtemps que ces privilégiés. C’est parce que nous respecterons désormais ces seconds que les premiers doivent s’aligner. Nous allons également ouvrir nos esprits et nous inspirer des autres pays européens qui ont déjà commencé à réformer leur système de retraites afin de parvenir à un équilibre financier. En Suède par exemple, pays considéré comme un modèle en la matière, plus le salarié travaille, plus sa retraite est importante ; l’âge légal de départ à la retraite est de 65 ans, mais, à partir de 61 ans, chacun est libre de le choisir à sa convenance le moment de son départ, en acceptant évidemment une baisse relative de sa pension.

Comment allons-nous nous y prendre pour relever les défis qui nous attendent ?

Très lucidement, Raymond Aron nous interrogeait : « Rêver de révolution, est-ce une manière de changer la France ou de la fuir ? » Nous avons enfin compris, et à cette minute, enterrons donc définitivement le syndicalisme latin révolutionnaire et élevons-nous vers le syndicalisme réformiste, responsable, d’inspiration anglo-saxonne, germanique ou scandinave…

 

Extrait du livre « Français, réveillez-vous! »  que vous pouvez vous procurer chez votre libraire habituel et sur

      

 

Premier et deuxième chocs culturels

Lorsqu’on part à l’étranger pour une longue période, la phase initiale peut s’apparenter à la découverte d’un enfant qui vient de naître. On est ébloui par tant de différence, on s’en amuse, elle nous excite. On passe les premières semaines à prendre des clichés sur cette nouvelle réalité que jamais auparavant on n’avait pu imaginer. Excitante et drôle période. Le jour de mon arrivée au Japon, j’emménageai dans un appartement dans une lointaine banlieue de Tokyo (Shinkoiwa) où personne ne parlait anglais. Mon niveau de japonais se limitait à quatre ou cinq phrases fièrement apprises dans l’avion, mais incompréhensibles (j’allais vite m’en rendre compte) étant donné ma pitoyable prononciation. Mon propriétaire maîtrisait heureusement la langue de Shakespeare et je pus m’installer. Je voulus prendre une douche, mais il n’y avait pas de savon dans la salle de bain. Je descends au petit magasin de quartier que j’avais vu en arrivant, ce type de lieu extraordinaire de trente mètres carrés où l’on trouve tout. Un ancêtre m’accueille. Il doit avoir quatre-vingt-dix ans. Travaille-t-on encore à cet âge-là ? Je n’essaie pas de lui faire comprendre ce que je cherche – nous sommes proches pourtant, car mutuellement incompréhensibles ! – et j’erre à travers les minuscules allées de son magasin. Rapidement, je tombe sur un paquet écrit en japonais qui semble contenir des savons ressemblants à nos Marseillais, couleurs jaunâtres. Je remonte enfin prendre ma douche tant attendue et entreprends de me frotter le corps ; mais, mon voyage commence à prendre une tournure désagréable lorsque je constate que ce savon maudit ne mousse pas ! Je me sèche et j’ai bien l’intention de me plaindre à ce vieillard qui m’a bien eu. Je suis alors bien obligé de parler. Je mélange le français et l’anglais, peu importe de toute façon, il ne comprend rien et me regarde d’un air ahuri : mais que veut ce jeune gaijin[1] ? Puis à force de m’observer gesticulant stupidement, parlant avec mes mains et mon corps tout entier – puisqu’il ne me reste que cela à faire – reproduisant la scène de la douche, il semble comprendre enfin et éclate de rire ! Gonflé le papy ! C’est à son tour de gesticuler, et il parvient à me faire comprendre que je n’avais pas acheté des savons, mais des galettes de riz séché que l’on consomme grillées au barbecue ! C’est ce que j’appelle le premier choc culturel.

Des expériences similaires agrémentent les journées passées au bout du monde. Elles pimentent la vie du curieux (je parlerai plus loin des abrutis). Mais au bout d’un an de découvertes, on arrive devant le mur de la différence culturelle : on ne parle pas encore la langue (ou trop peu), on est dérouté par le comportement différent de ces étrangers (alors que ce sont nous les étrangers maintenant !)… en d’autres termes, on se rend compte que pour enfin entrer dans ce pays, être accepté de lui au-delà de la superficialité dans laquelle on se trouve, il va falloir faire énormément d’efforts : apprendre vraiment la langue, s’ouvrir davantage à de nouvelles conceptions de la vie elle-même, parfois en remettant en cause ses propres acquis et ridicules convictions ! Cette période hautement difficile à traverser est un test naturel. La plupart des voyageurs rentrent chez eux ou se réfugient dans le marasme de la « communauté française » où l’on rencontre (attention, je vais me lâcher !) des abrutis qui sont là depuis dix ans et qui ne savent pas dire autre chose que kon nichi wa et sayonara[2], qui se regroupent entre eux uniquement – « comment est-il possible d’avoir une relation suivie avec un Japonais » ai-je souvent entendu –, qui cassent du sucre sur leurs hôtes du matin au soir. Je vomis à jamais sur cette catégorie des Français de l’étranger ; je les ai vus à Tahiti (où ils pensent être chez eux !), à Tokyo et à Shanghai. Restez dans votre petit monde à jamais. Je vous hais pour votre suffisance qui n’a d’égal que votre stupidité. C’est dit !

Puis, un jour, il faut rentrer chez soi, dans son pays. À la condition essentielle que l’on se soit intéressé à la culture du pays étranger où l’on a vécu quelques années, ce retour au pays est souvent très difficile : on ne parvient plus à communiquer avec ses compatriotes, on se sent en décalage. C’est ce que j’appelle le deuxième choc culturel, le pire des deux. Certains ne s’en remettent pas et, après quelques mois, repartent à l’étranger.

 

Extrait du livre « Français, réveillez-vous! »  que vous pouvez vous procurer chez votre libraire habituel et sur

      

 

Optophobie et hypégiaphobie françaises

L’optophobie c’est la peur d’ouvrir les yeux. Voilà une pathologie que l’on croit rarissime dans les milieux médicaux, mais qui est pourtant généralisée en France. Presque tous les Français en souffrent. Ils préfèrent garder les yeux fermés dans un monde de rêves plutôt que de les ouvrir sur la réalité. Mes nombreux voyages en Europe, en Asie, en Afrique et aux États-Unis me laissent à penser que cette maladie est particulièrement répandue en France. Une mauvaise nouvelle pousse souvent au sursaut, mais pas chez nous. Malgré la phase de décadence dans laquelle ils vivent actuellement, les Français ne tentent pas d’ouvrir les yeux sur la réalité, ils préfèrent continuer leurs rêves en attendant que cela se passe, que cela s’arrange, un peu comme dans un avion en train de tomber, de plus en plus vite, les passagers restants tremblants mais bien sagement assis à ne rien faire ; ils espèrent qu’un sauveur va surgir tout à coup, ils y croient de plus en plus fort à mesure que l’avion s’approche du sol ; à ce stade ils sont prêts à suivre n’importe qui. Le Pen au deuxième tour des élections présidentielles de 2002 n’était qu’un signe avant coureur ; le pire est sans doute à venir.

L’hypégiaphobie c’est la peur des responsabilités. Là encore, cette triste maladie touche surtout les Français, de plein fouet. Ils se moquent complètement des conséquences de leur immobilisme sur les générations futures. Autrement dit, leur amour parental sonne creux, ils s’inquiètent peu de leurs propres enfants. Seuls leur importent leurs petits avantages présents. Ils ne veulent pas entendre parler d’environnement concurrentiel, de remise en question de l’âge de la retraite, de certains avantages sociaux… Après eux, le déluge.

Ces deux pathologies françaises se nourrissent les unes les autres si bien que plus le temps passe, plus on s’enferme dans des idéaux, plus on brille d’irresponsabilité. Les plus atteints souffrent en plus de phobophobie (peur d’avoir peur), voire de pantophobie (peur de tout).

Comment en est-on arrivé là ?

D’abord, l’État français, hyper protecteur, rend impossible l’accès à la maturité de ses enfants, les petits Français (de tout âge). Ceux qui ont procréé savent (ou devraient savoir) qu’il y a forcément un moment dans l’éducation où l’on doit laisser ses enfants aller à l’encontre des difficultés, les lâcher dans la jungle de la vie, les pousser à affronter la concurrence (à l’école, la force physique et morale des copains, en amour…) afin qu’ils commencent à réactiver leur instinct de survie naturel (endormi par l’hyper protection parentale). Un fameux proverbe chinois dit qu’il est préférable d’enseigner les techniques de pêche à quelqu’un plutôt que de lui donner un poisson. C’est le principe même d’une bonne éducation. Donner indéfiniment de la nourriture et de la protection à l’élève est dangereux et irresponsable, car lorsque le maître disparaît, l’élève meurt de faim. En revanche, si celui-ci a appris à se procurer son pain quotidien et à se protéger, à la fois l’élève et le maître sont libérés. Mais si l’élève (le citoyen) est toujours protégé, alors, lorsque le maître (l’État, l’économie…) va mal, la peur s’empare de celui-là, il ne sait plus quoi faire et il se met à faire n’importe quoi.

  Ensuite, …

 

Extrait du livre « Français, réveillez-vous! »  que vous pouvez vous procurer chez votre libraire habituel et sur