Le Prince Hollande
La cote de popularité de François Hollande est tombée à 25% (les satisfaits), un niveau sans précédent dans la cinquième République. Lorsque trois quarts du peuple ne croit plus en son Prince, le temps est venu pour ce dernier de relire Machiavel. Extraits choisis :
Le prince doit donc, s’il est doué de quelque sagesse, imaginer et établir un système de gouvernement tel, qu’en quelque temps que ce soit, et malgré toutes les circonstances, les citoyens aient besoin de lui : alors il sera toujours certain de les trouver fidèles.
(Nicolas Machiavel, Le Prince, chap. IX)
À bien examiner les choses, on trouve que, comme il y a certaines qualités qui semblent être des vertus et qui feraient la ruine du prince, de même il en est d’autres qui paraissent être des vices, et dont peuvent résulter néanmoins sa conservation et son bien-être.
(Ibid., chap. XV)
Enfin la libéralité, plus que toute autre chose, se dévore elle-même ; car, à mesure qu’on l’exerce, on perd la faculté de l’exercer encore : on devient pauvre, méprisé, ou bien rapace et odieux. Le mépris et la haine sont sans doute les écueils dont il importe le plus aux princes de se préserver. Or la libéralité conduit infailliblement à l’un et à l’autre. Il est donc plus sage de se résoudre à être appelé avare, qualité qui n’attire que du mépris sans haine, que de se mettre, pour éviter ce nom, dans la nécessité d’encourir la qualification de rapace, qui engendre le mépris et la haine tout ensemble.
(Ibid., chap. XVI)
Ce qui peut faire mépriser, c’est de paraître inconstant, léger, efféminé, pusillanime, irrésolu, toutes choses dont le prince doit se tenir loin comme d’un écueil, faisant en sorte que dans toutes ses actions on trouve de la grandeur, du courage, de la gravité, de la fermeté ; que l’on soit convaincu, quant aux affaires particulières de ses sujets, que ses décisions sont irrévocables, et que cette conviction s’établisse de telle manière dans leur esprit, que personne n’ose penser ni à le tromper ni à le circonvenir.
(Ibid., chap. XIX)
On estime aussi un prince qui se montre franchement ami ou ennemi, c’est-à-dire qui sait se déclarer ouvertement et sans réserve pour ou contre quelqu’un ; ce qui est toujours un parti plus utile à prendre que de demeurer neutre.
(Ibid., chap. XXI)
Ce n’est pas une chose de peu d’importance pour un prince que le choix de ses ministres, qui sont bons ou mauvais selon qu’il est plus ou moins sage lui-même. Aussi, quand on veut apprécier sa capacité, c’est d’abord par les personnes qui l’entourent que l’on en juge.
(Ibid., chap. XXII)
Il est bon de rappeler que Machiavel n’était aucunement « machiavélique », mais au contraire un des plus grands humanistes de la Renaissance, l’autre Thomas More, celui-ci peignant un monde rêvé dans son Utopie, celui-là livrant au grand jour les méthodes de manipulation politique afin que le peuple en prenne conscience, se réveille puis se prenne en main pour construire un Nouveau Monde. Diderot ne s’y trompait pas : « Lorsque Machiavel écrivit son traité du prince, c’est comme s’il eût dit à ses concitoyens, lisez bien cet ouvrage. Si vous acceptez jamais un maître, il sera tel que je vous le peins : voilà la bête féroce à laquelle vous vous abandonnerez. » (Enyclopédie, 1re édition, tome 9, décembre 1755) ; pas plus que Rousseau qui écrivait qu’« en feignant de donner des leçons aux Rois il en a donné de grandes aux peuples. Le Prince de Machiavel est le livre des républicains. » (Du contrat social, 1762, partie III, chap. VI). Le pari fût gagné : grâce à Machiavel, le peuple grandit en lucidité et la démocratie triompha.
Mais il n’est de peuple harmonieux, de stabilité sociale, sans grand homme politique. Lorsque le Prince est affaibli, le chaos guette, même en démocratie, car le régime démocratique fonctionne sur un subtil paradoxe, un fragile équilibre qu’on pourrait résumer ainsi : la manipulation acceptée de bon cœur ! Monsieur Hollande, pour le salut du peuple français, relisez vite Machiavel !